LE TRAINEAU DE MONSIEUR HENRI....
Dans le petit village de Bécancour, dans les années 50, monsieur Henri était un artisan fort doué. Il fabriquait de magnifiques traîneaux, aussi polyvalents qu’originaux, tout en bois, qu’il peinturait en rouge vif avec de fines lignes blanches décoratives. Munis de ridelles pratiques et solides, les traîneaux de monsieur Henri pouvaient être tirés, poussés, glisser : bref servir à de multiples usages de gamin.
Je rêvais en silence de posséder un de ses traîneaux…
mais du haut de mes 5 ans, je n’osais en espérer autant!
On était la veille de Noel. Orphelin de mère, je vivais
avec mon père et oncle Ulric. Cette année-là, exceptionnellement, tante Denise,
sœur de ma mère, ainsi que mes grand parents maternels avaient convenu de
passer Noel chez moi. Je jubilais, au milieu de mon univers dont j’étais le
petit roi. Ultime cadeau, on m’amenerait à la messe de minuit, emmitoufflé sous
l’épaisse couverture, dans la ‘’catherine’’ tirée par Kate, notre jument.
Donc, arrivés a la messe de minuit : quelle féerie,
le ‘’Venez divin Messie’’. L’église bondée, habituellement si austère, avait
revêtu ses allures de grande fête. On comprendra qu’il n’aura pas fallu bien
longtemps pour que Morphée enterre chants et incantations du curé Beauchesne. Je
me suis endormi comme un loir et me suis réveillé le lendemain matin, encore
tout habillé, dans mon lit à l’étage!
Les échanges joyeux de la maisonnée m’ont vite attiré
vers la cuisine où m’attendait un bon ‘’cocoa’’ chaud. Soudain, près du sapin
de fortune concocté par tante Denise, qu’est-ce que j’aperçois?.... Un traîneau
de monsieur Henri, tout beau, tout brillant, tout neuf…
Ce jour-là, ce moment-là, je ne comprenais pas que les
grands pouvaient être heureux et verser des larmes en même temps! Et ce n’est
pas tout!
Grand papa Omer, qui pouvait être menuisier à ses heures,
avait imaginé que, ‘’qui dit traîneau dit glissoire’’…. Ne me demandez pas si
j’ai déjeuné ou si j’ai bu mon ‘’cocoa’’! Vite dehors pour donner vie et amour
à mon traîneau. Finalement, tout le monde s’est retrouvé sur le perron arrière.
Je suppose que c’est là que la langue française a inventé
le mot ‘’paroxysme’’, aucun autre vocable ne pouvant exprimer ma félicité! Papa
et grand papa avait enlevé quelques barreaux à la rambarde blanche du perron et
avaient disposé une astucieuse descente en planches, recouverte de neige
durcie. Pas besoin de décrire le reste…
Ce jour de Noel 1951, je ne pense pas avoir déjeûné, ni
même bu mon fameux cocoa, ni même dîné… Je vivais intensément, profondément mon
bonheur d’enfant.
Il y avait le traîneau, la petite glissoire, mais
surtout… je me sentais important.
J’ETAIS AIMÉ!
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